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12:30| | Prédications | Laurence Mottier

office du midi du 21
janvier 2021

Lecture Matthieu 18, 10-14

10Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car je vous dis que leurs anges dans les cieux voient constamment le visage de mon Père qui est dans les cieux. [ 11] Le Fils de l’humain est venu chercher ce qui est perdu.

12Qu'en pensez-vous ? Si un homme a cent moutons et que l'un d'eux s'égare, ne laissera-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne pour aller chercher celui qui s'est égaré ? 13Et s'il parvient à le retrouver, amen, je vous le dis, il s'en réjouit plus que pour les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarés. 14De même, ce n'est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu'il se perde un seul de ces petits.

 

Méditation

Il est si facile d’écraser plus petit que soi…et voici, notre Dieu, par la voix du Christ, se fait bouclier et défenseur de la cause de ces petits.

Il est si commode de passer ses nerfs, sa mauvaise humeur, ses frustrations sur celles et ceux qui dépendent de soi…et voici, Dieu par la voix de son Christ, se fait le garant éthique, qui barre tout abus de pouvoir, toute violence exercée contre autrui.

Il peut me paraître si anodin, si banal d’exercer mon autorité, mon intelligence, mon expérience ou ma grande sagesse, par la voix, le geste ou le regard, sur celles et ceux dont je pense qu’ils en ont besoin – mais c’est pour ton bien ! - et voici, Dieu, par la voix du Christ, me met en garde sur le risque majeur de nier qui est l’autre dans sa dignité et dans son égale humanité, même et surtout avec les meilleures intentions du monde.

Notre logique humaine, expérimentée depuis notre plus jeune âge, fait que si on a été écrasé, on peut toujours essayer de trouver plus petit que soi, sur qui déverser la violence de l’agression et que, dans cette spirale infernale, on cherche à s’élever, à gagner en hauteur et en puissance pour ne plus devoir subir cette négation, quitte à en écraser beaucoup d‘autres au passage.

Frayer avec les puissants, s’attirer les bonnes grâces de qui ou qui pour espérer ne plus jamais faire partie des petits, des précaires, des démunis, des laissés-pour-compte, voilà qui occupe une grande partie de nos existences.

Ce que la doxa justifie par la loi du plus fort, la loi de la jungle, le darwinisme ou le réalisme historique.

Je me suis demandé, intriguée :

Qui sont « ces anges des petits qui voient constamment la face de Dieu » ?

Peut-être des avocats, défendant leur droit bafoué

Ou des procureurs, réclamant justice et réparation

Une image profondément touchante : celle d’âmes abîmées, malmenées que Dieu accueille une à une, et fait vivre en sa présence, les tirant de l’oubli et de la négation dont elles ont été victimes.

Et encore plus qu’une consolation, j’y ai vu ce que nous refusons si souvent de voir :

Car, si les anges des petits écrasés voient la face de Dieu, n’est-ce pas aussi pour nous faire voir, comme dans un miroir inversé, combien nos propres visages sont restés fermés, obturés, face à celles et ceux qui ont subi l’exclusion et le rejet ?

C’est là aussi l’appel éthique dont Emmanuel Lévians s’est fait le chantre : le visage de l’autre fait appel à ma responsabilité dans sa radicale nudité. Il écrit ceci : « Le rapport au Visage est le rapport à l’absolument faible, à ce qui est absolument exposé, ce qui est nu et ce qui est dénué ; dans ce dénuement il y a ce qui peut subir le suprême esseulement qu’on appelle la mort – il y a toujours dans le Visage d’autrui la mort d’Autrui comme incitation au meurtre, cette tentation de négliger complètement autrui. Et en même temps le Visage d’autrui me dit : « Tu ne tueras point », c’est le fait que je ne peux laisser l’autre mourir seul, souffrir seul ; son Visage fait appel à moi ; il est alors et avant tout celui qui me requiert, celui dont je suis responsable » (Entre nous, p.114)

J’aime ce Dieu des petits qui ne fait aucun compromis avec quel qu’abus d’autorité que ce soit.  J’aime ce Dieu qui au lieu d’en sacrifier un pour garder la majorité du troupeau, va chercher la plus petite part manquante, la part perdue, au risque de tout perdre, pour la ramener à la vie et à la dignité. Dignité inaliénable de chaque individu, aux yeux de notre Dieu.

Je ne peux croire qu’en ce Dieu écartant toute justification à la violence exercée sur autrui, même en vertu de la meilleure des causes.

Croire n’est pas suffisant si ce croire n’engage pas notre action, notre agir.

Et devant ce défi colossal de l’écrasement des petits et de l’oubli des perdus, nous avons à être porteurs, porteuses de cet appel éthique fondamental de notre Evangile qui met une borne infrangible et indépassable à l’anéantissement d’autrui.

Dans le visage d’autrui, qui me voit, je peux voir, je dois pouvoir voir le visage même de Dieu, qui garantit notre existence commune et notre droit à exister.

Laurence Mottier, pasteure

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