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12:30| | Prédications | Sandrine Landeau

Matthieu 18, 15-22

 

Orgue

 Accueil et prière

La grâce et la paix vous sont données de la part de Dieu notre Père, en Jésus Christ notre sauveur et notre frère. Amen

Bienvenue à chacune et à chacun pour cet office du milieu du jour, où nous nous mettons à l’écoute de la Parole à travers la lecture de l’Evangile de Matthieu, la prière, le silence et la musique. Ce temps à part, cette pause, ce déplacement ouvrent une fenêtre vers ce Dieu qui s’est fait proche en Christ et qui vient rencontrer chacune, chacun, au creux de sa vie. Oui, bienvenue à vous qui cherchez, car vous ne chercheriez pas si vous n’aviez déjà été trouvé.e.s !

Nous entrons dans ce moment par le psaume 4 :

Réponds à mon appel, Dieu qui me rends justice. De ma détresse, tu m’as libéré. Dans ta tendresse, entends mon cri !

Enfants des hommes, jusques à quand échangerez-vous sa gloire contre le néant ? Jusques à quand ferez-vous confiance au mensonge ? Soyez-en certains, le Seigneur fait des merveilles pour ceux qui l’aiment, il m’écoute quand je l’appelle à mon secours. C’est permis d’avoir mal pour ce qu’on a fait, mais ne tournez pas le dos à Dieu.

Entrez en votre cœur dans le secret du silence. Que votre prière soit vraie. Soyez sûr.e de Dieu.

Beaucoup s’interrogent : « Le bien c’est quoi ? Le bonheur c’est comment ? » Seigneur, tourne vers nous ton sourire.

Tu combles mon cœur de joie, plus qu’aux fêtes de la moisson et des vendanges. L’âme en paix, réconcilié, je m’endors près de toi. A mesure que tu m’aimes, j’existe.

Musique (Ps&C 67?)

 Lecture : Mt 18,15-22

Si ton frère vient à pécher, va le trouver et fais-lui tes reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné un frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes pour que toute affaire soit décidée par la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église, et s’il refuse d’écouter même l’Église, qu’il soit pour toi comme le païen ou le collecteur d’impôt. En vérité je vous le déclare : tout ce que vous lierez sur la terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié au ciel. Je vous le déclare encore, si deux d’entre vous, sur la terre, se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Car là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux.

Alors Pierre s’approcha et lui dit : « Seigneur, quand mon frère commettra une faute à mon égard, combien de fois lui pardonnerai-je ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus lui dit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à septante sept fois sept fois. »

Prédication

Notre existence est confrontée au mal et au malheur sous bien des formes, aucune existence n’en fait l’économie. Le Dieu dont nous parlent les textes bibliques, le Dieu que Jésus est venu manifester, la confiance que nous plaçons en lui, ne nous épargne ni cette confrontation au mal, ni la souffrance, le rabbin François Garaï nous l’a rappelé avec force dimanche passé.

Et c’est bien pour cela que la question du pardon se pose. Car si la souffrance et les blessures font partie de toute existence humaine, qu’en faire ? Quel rapport entretenir – ou ne pas entretenir – avec celui ou celle qui est à l’origine de ma blessure, de ma souffrance ? Comment empêcher que le mal ne contamine toute l’existence ?

Face au mal, un premier réflexe peut être la vengeance… qui ne peut qu’ajouter du mal au mal, du malheur au malheur. Il est facile de le voir avec des enfants : si l’un est frappé, ou moqué, le coup ou l’insulte retour partent presqu’aussitôt. Mais du coup un autre coup ou une autre insulte part en retour, et ça peut continuer longtemps ! Sortir de ce schéma est un long apprentissage… et il nous arrive à tous et toutes je crois d’être tenté d’y recourir, voire de céder à la tentation.

Une première restriction du cercle vicieux de la vengeance est la loi du talion, qui circonscrit l’expansion du mal : « œil pour œil, dent pour dent ». C’est déjà une amélioration, puisqu’il y a une sorte d’équivalence et surtout une limite qui permette de ne pas briser complètement la communauté, même si des rancœurs peuvent subsister.

La démarche de pardon tente d’aller plus loin et de permettre la cicatrisation du mal pour retisser les liens au sein de la communauté. Car c’est bien cela qui est en jeu dans le péché, dans le mal commis : la capacité d’être à nouveau en relation ! Le péché, c’est ce qui manque sa cible, c’est ce qui replie, c’est ce qui coupe de soi, des autres et de Dieu tant le bourreau que la victime.

Le pardon n’est pas cependant une injonction, une condition pour être « un bon chrétien », « une bonne personne », au risque que la victime finisse par se sentir coupable de ne pas réussir à pardonner, en plus de se sentir déjà peut-être coupable d’avoir suscité d’une manière ou d’une autre la blessure qu’elle a subie – comme on ne cesse de lui répéter par exemple dans le cas d’un viol (elle portait une jupe trop courte) ou dans le cas des violences familiales (elle n’avait pas accompli sa tâche de la manière correcte). Ce serait une double ou une triple peine qui n’est pas du tout le projet de Jésus. Lui qui dit ailleurs « venez à moi, vous qui êtes fatigués, mon fardeau est léger le mon joug facile », n’est pas celui qui va charger qui que ce soit de fardeaux injustes et inutiles. La difficulté à pardonner est un symptôme que la blessure n’est pas complètement cicatrisée, pas une faute supplémentaire de la victime ! Le pardon n’est une condition ni au salut de celui ou de celle qui a subi le mal, ni au salut de celui ou celle qui a commis le mal. Il est une grâce qui advient comme fruit d’un processus de guérison des personnes concernées. On ne peut pas se forcer à pardonner, pas plus qu’on ne peut forcer un cancer à partir ou un os à se ressouder, on ne peut que poser un diagnostic, se laisser guérir et constater un jour que le mal est délié.

Regardons donc d’un peu plus près ce que Jésus propose ici.

D’abord, la personne qui a provoqué du mal, du malheur, est « un frère » - ou « une sœur » ajouterai-je ! C’est une personne que, en Christ, je suis appelée à regarder encore comme un frère ou une sœur. Il ou elle se trouve avoir fait une erreur, avoir manqué la cible. Cela arrive bien sûr, puisque nous mettre à la suite du Christ ne fait pas de nous immédiatement des êtres parfaits et sans défauts, mais nous prend dans un processus de guérison et de croissance inscrit dans le temps. Comme disait Luther, nous sommes tous et toutes simul justus, simul peccator, en même temps juste et en même temps pécheur, pécheresse. Et c’est aussi en cela que cette personne fautive est aussi mon frère, ma sœur : c’est qu’il m’arrive à moi aussi de causer, volontairement ou non, du mal, du malheur.

Un frère donc, s’égare. Et Jésus propose un processus en plusieurs étape, qui vise non pas à mettre sous le tapis le mal, mais au contraire à le regarder en face, à le prendre à bras le corps pour qu’il ne prenne pas toute la place dans la communauté. Je ne sais pas si vous avez noté tout à l’heure quand je lisais la répétition du verbe « écouter ». Ce qui est en jeu, c’est l’écoute, donc la relation : comment préserver la relation dans une situation où des blessures ont été infligées ?

Par la Parole, la prière, et la remise à Dieu nous dit Jésus. Aller vers celui ou celle qui a occasionné ce mal est déjà un acte de Parole qui lui dit qu’il ou elle reste un être humain, un frère ou une sœur toujours entre les mains de Dieu. Lui parler ensuite : nommer ce qui s’est passé, poser une Parole qui – comme dans le récit de la Genèse – distingue, nomme, met en lumière, pour rendre la vie à nouveau possible.

Jésus recommande aussi de ne pas rester seul.e : aller chercher des témoins, aller devant la communauté, briser le silence, le secret, les arrangements douteux pour préserver les apparences.

En plus du soutien de la communauté visible, Jésus recommande, de se tourner vers Dieu. Non pas pour chercher son soutien, qui est toujours déjà acquis, à la victime comme au bourreau. La première pour se relever, le second pour grandir en humanité. Mais pour se placer ensemble sous le regard de Dieu, pour prendre le temps de s’exposer consciemment à son amour et à son Esprit de vie, pour puiser dans cette prière des ressources nouvelles qui permettront d’ouvrir des chemins de vie dans ce qui semble une impasse. Autrement dit se tourner vers Dieu pour prier. Se réunir dans nom de Jésus, c’est se placer ensemble face à la puissance de vie qui nous traverse tous et toutes, c’est déjà reconnaître que chacun, chacune est également appelé.e et aimé.e de Dieu. C’est constater peut-être l’échec de nos forces humaines dans une situation bloquée. Faire ce travail d’exposition consciente dans la prière, c’est faciliter le travail de Dieu, c’est lui permettre de venir plus facilement « au milieu de nous ». Dans ce contexte, « au milieu de nous », c’est l’espace entre l’offenseur et l’offensé. Laisser Jésus habiter cet espace, c’est mettre de la distance et de la distinction là où était la confusion. Les travaux de psychologie montrent que dans les traumatismes liés à des agressions physiques, le psychisme de l’agressé se protège en intégrant une partie du mécanisme psychique de l’agresseur. C’est un mécanisme de survie psychique, nécessaire sur le moment peut-être, mais qui instaure une confusion mortifère. Dieu procède toujours par séparation, par distinction, et c’est ce que Jésus promet ici : venir mettre de la clarté et de la distinction là où était la confusion, pour que chacun puisse marcher sur son chemin, et pas sur celui d’un autre. Et alors, et peut-être recevoir comme une grâce la capacité de délier, de laisser aller, de pardonner.

Car le pardon c’est bien cela, le fruit d’un processus plus ou moins long, mais en tout cas inscrit dans le temps, qui vient comme une grâce. En aucun cas ce n’est quelque chose d’automatique, à quoi il faudrait se contraindre impérativement pour être juste ou aimable aux yeux de Dieu. Il a déjà choisi de nous aimer. Et parce qu’il a déjà choisi de nous aimer, il travaille en nous, avec nous, à guérir se qui doit l’être, pour que nos blessures passées cessent d’infecter le présent et l’avenir. Le fruit de ce travail est le pardon, mais il vient en bout de processus, une fois la blessure cicatrisée (et non pas disparue, car nos blessures restent bel et bien présentes, un peu sensible, pouvant se réveiller à chaque changement de temps comme un vieux rhumatisme).

Le pardon vient comme une grâce. Quand Pierre demande, combien de fois pardonnerai-je ? Il ne dit pas « combien de fois faut-il pardonner ? ». Il est certes dans une sorte de logique comptable que Jésus va faire exploser, mais pas dans une logique de « il faut/je dois ». Le futur exprime ici une espérance, une attente : « quand j’aurais grandi en humanité, combien de fois serai-je capable de pardonner ? » En proposant le chiffre 7, Pierre va déjà bien au-delà de ce qui était recommandé par les rabbins pour la vie quotidienne, à savoir 3 ou 4 fois.

Ici et maintenant, c’est toujours chacun face à lui-même et face à Dieu qui voit ce qu’il ou elle a la force de faire pour cette relation blessée par le mal commis. Quelle que soit l’issue de ce débat intérieur, il reste que chacun est appelé à prier pour ses ennemis, et que cette prière change et soi et l’ennemi. Les psaumes sont remplis de ces retournements où le psalmiste commence par mettre en scène un « moi seul contre tous les autres », par demander que Dieu massacre ses ennemis, ce qui – au passage – est déjà un progrès par rapport à les massacrer soi-même, avant de terminer dans la louange et dans le « nous ».

Le futur qu’utilise Pierre n’invalide pas la proposition classique des rabbins, qui peut être la voie la plus sage, et qui finalement n’est pas si loin de ce que propose Jésus au début de son enseignement puisque sa conclusion si l’auteur d’un mal n’écoute ni un ni plusieurs frères assemblés est de le considérer désormais comme un païen ou un collecteur d’impôts. Evidemment dans la bouche de Jésus ce n’est pas une condamnation à l’enfer éternel : Jésus a appelé Matthieu le collecteur d’impôts à le suivre, il a dîné chez Zachée, il a loué la foi du centurion romain qui était païen, et sur la croix, il demande le pardon de Dieu pour ceux qui sont en train de le tuer : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Et souvenez-vous de ce qui précède immédiatement l’enseignement que nous tentons de comprendre aujourd’hui : la parabole de la brebis perdue, que nous avons entendue la semaine dernière. Considérer l’autre comme un publicain ou un païen, c’est considérer qu’il a besoin que Jésus s’occupe de lui et le remettre entre ses mains ! Si donc à vues humaines rien ne fonctionne, lâcher, et remettre la situation entre les mains de celui qui est plus grand que nous, lui demander de guérir nos plaies et celle de l’autre. C’est déjà énorme !

Le pardon c’est encore autre chose, à venir. Et Jésus balaie l’avancée déjà notable de Pierre : ce n’est pas 7 fois, mais 77 fois 7 fois que le pardon sera donné. Une surabondance, un débordement, un passage hors logique comptable : quand nous serons pleinement humains, comme le Christ l’était et l’est pour nous, alors nous serons capables de pardonner – ce qui n’est pas passer l’éponge – ou au moins, quand le pardon nous sera encore inaccessible, de dire « Père, pardonne-leur, car je n’y arrive pas. » Amen.

Silence

Prière et Notre Père

Je vous invite à la prière :

Dieu notre Père, nous voici devant toi avec toutes nos blessures, qu’elles soient encore béantes ou à moitié guéries, ou bien cicatrisées. Que la lumière de ton amour vienne faire la clarté sur le mal subi. Que le feu de ton amour vienne y brûler les germes mortels. Que le baume de ton amour vienne stimuler la croissance des nouveaux tissus. Que le souffle de ton amour vienne dénouer les liens qui doivent l’être.

Nous déposons devant toi celles et ceux qui nous ont infligé ces blessures, aussi quand ce sont des parts de nous qui se retournent contre la vie que nous portons. Viens aussi guérir ce qui a besoin de l’être en elles, en eux, fais entendre ta Parole qui relève et qui appelle à la vie.

Nous te demandons aussi de nous donner la force de poser un regard de vérité sur les blessures que nous avons infligées, afin de pouvoir réparer ce qui peut l’être, en nous et en l’autre.

Alors, au bout de cette guérison, que le pardon vienne fleurir dans nos vies restaurées. Sois au milieu de nous, en nous, pour y mettre ton souffle créateur.

Et toutes nos prières, nous les rassemblons dans celle que Jésus ton Fils nous a laissée, et qui fait de nous des frères et des sœurs, enfants d’un même père, et que nous te disons ensemble, remis debout par ton amour :

Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé.e.s. Ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du mal. Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire.

Amen.

Musique (Ps&C 257?)

Envoi et bénédiction

J’aimerai en guise d’envoi vous partager ces mots du poète Jean Lavoué :

Puisses-tu ménager une fenêtre de silence dans le brouhaha de chaque journée !

Puisses-tu y respirer à pleins poumons, laissant bondir en toi les ruisseaux du cœur.

Puisses-tu libérer des volières dans tous les ciels paresseux, en contemplant l’Ouvert dont ta vie est le sceau !

Recevez chacun, chacune, la bénédiction que Dieu vous adresse personnellement :

L’Eternel te bénit et te garde.

L’Eternel lève son visage vers toi et t’accorde sa grâce.

L’Eternel fait rayonner sur toi sa lumière vers toi et te donne sa paix.

Amen

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