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18:00| | Prédications | Sandrine Landeau et Bruno Gérard

Office Choral du soir : Maîtrise du Conservatoire populaire de musique

Samedi 6 novembre 2021, 18h

Saint-Pierre

 

Chant d'entrée en procession

Accueil

Louange

Chant : Cantate Dietrich Buxtehude 

Prière

Chant : O beatae viae, Hymne pour la fête de St-Roch, Claudio Monteverdi

Lecture biblique

Pour honorer le chœur d’enfants qui nous fait l’honneur et la joie de nous accompagner ce soir de leur chant, j’ai choisi de lire avec vous le tout début de l’histoire d’un tout jeune garçon. Il s’agit de David, futur grand musicien, compositeur de poèmes chantés, et futur roi d’Israël.

Dans l’immense bibliothèque qu’est la Bible – elle compte plus de 60 livres différents – on trouve cette histoire dans le premier livre de Samuel, qui raconte comment Israël est devenu un peuple presque comme les autres : un peuple avec un roi.

En effet, dans l’histoire du peuple telle qu’elle nous est racontée par les auteurs bibliques, le peuple d’Israël s’est d’abord passé de roi. Le peuple était pour l’essentiel en autogestion et, pour les grandes questions s’en remettait à son Dieu, qui dictait les règles de la vie commune, qui orientait le destin de son peuple. Comme Dieu n’a pas de mains pour agir ni de bouche pour parler, il utilisait pour faire connaître sa volonté des intermédiaires humains : Moïse d’abord, puis des chefs temporaires qu’on a appelé des juges, et puis des prophètes – qui ne sont pas dans la Bible des gens qui prédisent l’avenir, mais des gens qui parlent au nom de Dieu.

Mais tous les peuples voisins d’Israël avaient des rois, alors le peuple d’Israël a voulu faire comme tout le monde et en avoir un aussi. Il en a demandé un à Dieu, qui l’a mis en garde contre les dérives possibles du pouvoir entre les mains d’un seul humain, mais a finalement accédé à leur désir. Un premier roi a été choisi, Saül. On moment où prend place notre histoire, Saül est sur le déclin, et il a faut se préoccuper de sa succession. Dieu s’est donc mis en quête d’un autre roi. Voici comment le début de cette quête de Dieu nous est racontée :

Le Seigneur dit au prophète Samuel : « Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars ! Je t’envoie auprès de Jessé de Bethléem, car j’ai vu parmi ses fils mon roi. » Samuel répondit : « Comment faire ? Saül notre roi va le savoir, et il me tuera. » Le Seigneur reprit : « Emmène avec toi une génisse, et tu diras que tu viens offrir un sacrifice au Seigneur. Tu convoqueras Jessé au sacrifice ; je t’indiquerai moi-même ce que tu dois faire et tu me consacreras par l’onction celui que je te désignerai. »

Samuel fit ce qu’avait dit l’Eternel.le. Quand il parvint à Bethléem, les anciens de la ville allèrent à sa rencontre en tremblant, et demandèrent : « Est-ce pour la paix que tu viens ? » Samuel répondit : « Oui, pour la paix. Je suis venu offrir un sacrifice au Seigneur. Purifiez-vous, et vous viendrez avec moi au sacrifice. » Il purifia Jessé et ses fils, et les convoqua au sacrifice.

Lorsqu’ils arrivèrent et que Samuel aperçut Éliab, il se dit : « Sûrement, c’est lui le messie, c’est lui qui recevra l’onction du Seigneur ! » Mais le Seigneur dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » Jessé appela Abinadab et le présenta à Samuel, qui dit : « Ce n’est pas lui non plus que le Seigneur a choisi. » Jessé présenta Shamma, mais Samuel dit : « Ce n’est pas lui non plus que le Seigneur a choisi. » Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : « Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là. » Alors Samuel dit à Jessé : « N’as-tu pas d’autres garçons ? » Jessé répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau. » Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu’il ne sera pas arrivé. »

Jessé le fit donc venir : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau. Le Seigneur dit alors : « Lève-toi, donne-lui l’onction : c’est lui ! » Samuel prit la corne pleine d’huile, et lui donna l’onction au milieu de ses frères. L’Esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là. Quant à Samuel, il se mit en route et s’en revint à Rama.

Prédication

Je trouve que cette histoire a des airs de Cendrillon, avec le défilé des frères devant Samuel qui les repousse tous les uns après les autres pour finalement s’arrêter sur le petit dernier, l’insignifiant, celui qu’on n’avait même pas invité à participer.

Vous connaissez tous l’histoire de cette jeune fille maltraitée par la seconde épouse de son père et par ses quasi-sœurs, réduite au rang de servante, dormant dans la cheminée. Grâce à une aide surnaturelle, Cendrillon se rend au bal donné par le prince du royaume qui cherche une épouse – les applis de rencontre n’existaient pas à l’époque… La beauté et la grâce de Cendrillon tapent dans l’œil et dans le cœur du prince. Pour identifier la jeune femme qui lui a tellement plu et pouvoir l’épouser le prince envoie un de ses serviteurs faire essayer à toutes les jeunes femmes du royaume la chaussure qu’elle a perdue en quittant précipitamment le château. Cendrillon est mise à l’écart, et le serviteur ne pense d’abord pas à lui proposer d’essayer la chaussure : si elle a bien l’âge possible, elle ne correspond pas au profil recherché : cette servante crasseuse ne peut pas être la magnifique jeune femme vêtue d’une robe opulente qui a dansé avec le prince… Et pourtant ! Quand Cendrillon essaie finalement la chaussure, et sort l’autre de sa poche, le doute n’est plus permis : elle est bien celle que le prince cherchait, elle l’épouse et devient la reine du royaume.

Il y a un certain nombre de similitudes avec le casting organisé par Dieu et Samuel pour trouver le futur roi d’Israël. On fait passer devant le prophète Samuel tous les fils de Jessé, ou du moins ceux qui semblent dignes… dignes d’ils ne savent pas quoi d’ailleurs puisque Samuel – qui lui sait qu’il cherche le nouveau roi – n’a rien expliqué. Mais on oublie, volontairement ou non, le plus petit, le plus jeune, le plus insignifiant, David. Comme beaucoup d’enfants, David est le berger des bêtes de la famille : il n’est donc pas à la maison mais plus loin, au-delà des champs, avec les bêtes. Il aurait fallu prendre le temps de le trouver, de confier les bêtes à un autre, de revenir avec lui, et pour quoi ? Si Samuel a besoin de quelqu’un, ses frères sont certainement plus grands, plus intelligents, plus expérimentés, plus forts, plus… tout ! Il est clair que n’importe fera mieux l’affaire que David. Inutile donc de perdre du temps à aller le chercher. C’est sans doute ce que s’est dit Jessé, le père.

Mais finalement aucun des frères de David ne convient et comme Samuel insite il faut bien aller chercher le petit dernier, l’insignifiant, le pas encore fini. Et c’est finalement lui qui est révélé et qui reçoit l’onction. Dans le monde d’alors, recevoir une onction d’huile, c’était un signe de la bénédiction divine qui était réservé particulièrement aux prophètes, et depuis peu aux les rois. David donc, reçoit l’onction qui le désigne comme ayant reçu une bénédiction en vue de la royauté. Vu son âge, tout jeune, vu aussi le fait qu’il n’est pas de la famille du roi régnant, ce n’est pas pour devenir roi tout de suite, mais pour plus tard. En même temps qu’une bénédiction, l’onction est donc une promesse.

David finira effectivement roi, après bien des péripéties, comme Cendrillon a fini reine. Dans les deux histoires, ce sont les petits, les délaissés qui deviennent par le jeu des circonstances et de forces qui les dépassent des personnages importants. Les apparences, les jugements humains et leurs critères extérieurs, sont ainsi désignés comme trompeurs ! Ces deux histoires donnent aussi un espoir aux plus petits, aux méprisés : si on vous maltraite – comme pour Cendrillon –, si on vous écarte, volontairement ou non, si on vous laisse de côté, tout n’est pas perdu, les choses peuvent changer, des forces peuvent faire évoluer la situation.

Mais là s’arrêtent les ressemblances. Car il y a une très grande différence, pleine de signification, entre les deux histoires : dans le cas de Cendrillon, le casting et le choix se situent à la fin de l’histoire, quand la jeune fille a démontré sa bonté, son envie d’améliorer sa situation, sa patience, sa bonne grâce. Dans le cas de David, le casting et le choix se situent au tout début de l’histoire : c’est la toute première fois on entend parler de David, le futur grand roi d’Israël qui n’est alors qu’un petit berger dans une bourgade excentrée, dernier d’une ribambelle de frères et dont on ne sait strictement rien. David n’a absolument rien fait pour mériter quoi que ce soit, pas même naître dans une bonne famille ! Si Cendrillon a mérité son accession à la royauté, David n’a rien mérité du tout, cela lui tombe dessus sans raison, gratuitement.

Cette différence fondamentale s’explique par les objectifs différents de ces histoires. Les contes de fées comme Cendrillon ont – entre autres choses – la fonction de transmettre une morale non pas éthique ou religieuse mais sociale. Charles Perrault donne d’ailleurs deux morales au conte de Cendrillon, qui toutes deux soulignent la dimension éducative du conte : il s’agit d’apprendre les qualités et valeurs utiles pour s’élever dans la bonne société – ascension symbolisée par le passage du statut de servante à celui de reine – à savoir : la politesse, la grâce naturelle, la politesse, l’échange de bons procédés, et l’appui de mentors puissants. Dans ce cadre, la royauté est une sorte de récompense symbolique qui vient au héros ou à l’héroïne après des épreuves qui lui permettent de démontrer sa valeur ou de l’acquérir.

Les histoires bibliques ont un autre but : elles sont là pour nous dire qui est Dieu, quelle place il peut tenir dans nos vies et quelle relation avoir avec lui. Dans l’histoire de David, la royauté n’est donc pas tellement une récompense symbolique, mais plutôt une responsabilité à assumer. David reçoit ce jour-là l’annonce qu’il sera roi, mais il a encore tout un chemin à parcourir pour le devenir effectivement.

Quand on lit la Bible, comme quand on lit les contes de fées d’ailleurs, on peut s’identifier à tous les personnages, et en particulier à David : nous sommes chacun, chacune, choisies pour être le roi, ou la reine, de nos vies. Un roi ou une reine qui est guidé par le souci de la vie, de l’amour, des plus faibles, et pas par l’appât du gain ou le goût du pouvoir.

Pour David – et pour nous – l’enjeu n’est pas d’être appelé à la royauté, mais d’endosser pleinement ce rôle et de l’exercer du mieux possible, entre héritage et innovation, entre responsabilité et liberté. Et la suite de l’histoire de David montrera que c’est loin d’être facile ! Il lui faudra bien du temps pour être couronné, et même alors, il ne cesse de faire des erreurs, dont certaines sont vraiment graves. Les histoires bibliques ne nous donnent pas en modèle des héros ou des héroïnes parfait.es, elles nous montrent des hommes et des femmes ordinaires, comme nous, plein de défauts et aussi de qualités, parfois d’une intelligence lumineuse, parfois d’une bêtise ou d’une méchanceté abyssale. Ce que nous disent surtout les histoires bibliques, c’est que Dieu est auprès de ces hommes et de ces femmes ordinaires, même quand ils font n’importe quoi. La présence de Dieu n’est pas un graal à décrocher après une quête longue et dangereuse, elle est un cadeau donné dès le départ qui donne les ressources pour avancer dans la vie.

Dans l’histoire du tout jeune David, petit garçon ordinaire d’une famille ordinaire, qui comme tous les petits garçons du village garde les bêtes aux alentours du village, et compte pour pas grand-chose, qu’on ne consulte probablement jamais pour quoi que ce soit, l’onction d’huile vient lui dire et dire à celles et eux qui l’entourent : «regardez, ce garçon est précieux. Tu es précieux David. Précieux pour Dieu, précieux pour les gens qui sont là et pour bien d’autres qui ne te connaissent pas encore et que tu ne connais pas encore. Ta vie a de l’importance telle qu’elle est, elle compte.»

Et David reçoit ensuite un don plus intérieur : le souffle de Dieu. En hébreu la rouah : c’est l’esprit qui planait sur les eaux de la création, c’est l’esprit qui insufflé dans l’argile a donné naissance à Adam, c’est l’esprit qui parle par les prophètes. La rouah, c’est la puissance créatrice et ordonnatrice de Dieu, celle qui organise le chaos pour permettre l’émergence de la vie, celle qui remet de la vie là où n’était que de l’inerte. David enfant, qui n’a rien mérité, reçoit la rouah. Nous sommes tous et toutes des petits David, des petites David : nous avons reçu en cadeau cette puissance créatrice et organisatrice, cette capacité de choisir ce qui fait vivre plutôt que ce qui fait mourir, le don de faire vibrer la vie dans l’inerte, comme les enfants de la maîtrise font vibrer l’air de cette cathédrale pour nous offrir la beauté de la musique. Vous savez ce que veut dire David en hébreu ? Ça veut dire bien-aimé ! Nous sommes tous et toutes des bien-aimé.es de Dieu, qui nous offre sa présence à nos côtés et sa rouah, sa force créatrice.

Ce don initial ne nous empêche pas à coup sûr de faire des bêtises, d’être blessés ou de blesser, mais il nous offre les ressources pour que tout cela ne nous écrase pas. Pour que nous puissions nous relever. Parce que ce don ne nous est jamais retiré, quoi que nous fassions : il arrive que nous nous en coupions, il arrive que nous l’oubliions, il arrive que nous le méprisions. Mais ce don est toujours là.

L’histoire de David nous raconte non pas quel homme parfait fut David – il était loin de l’être – mais de quel amour Dieu l’a aimé. Qui est-il ce Dieu ? Dans l’histoire que je vous ai racontée, il apparaît comme un Dieu qui cherche des solutions et qui s’adapte aux humains. Quand les humains lui demandent un roi, il trouve un roi ; quand Samuel a peur, il lui propose un plan. Dieu évolue, il crée de nouveaux chemins quand son plan ne marche pas comme il l’avait prévu : ce n’est pas un Dieu tout-puissant.

C’est un Dieu qui «voit» : c’est ce qu’il dit à Samuel : «j’ai vu parmi les fils de Jessé le roi qu’il me faut». Ce voir de Dieu n’est pas un voir ordinaire. C’est un voir qui regarde au-delà des apparences, au-delà des jugements que nous portons sur nous-mêmes, ou que d’autres portent sur nous et qui discerne ce qui est encore invisible. C’est un voir qui voit le potentiel en même temps que le déjà là, ce qui est possible plutôt que ce qui est limitant.

C’est aussi un Dieu joueur et metteur en scène : on voit souvent Dieu comme un chose très sérieuse de nos vies. Et certes c’est sérieux au sens où c’est quelque chose qui est important, qui a du poids. Mais c’est aussi quelque chose qui peut être léger et souriant. Et on sourit un peu de cette mise en scène avec les frères qui sont présentés les uns après les autres à Samuel qui attend un signe de validation qui ne vient pas.

C’est un Dieu surtout qui est là sans condition : David n’a rien fait pour mériter la présence de Dieu. La présence de Dieu n’est pas une récompense pour celui qui a accompli de grandes choses, mais un préalable pour accomplir de belles choses.

L’histoire de David ne veut pas nous apprendre – comme l’histoire de Cendrillon – comment tracer notre chemin jusqu’à devenir roi ou reine, elle veut nous apprendre que nous sommes déjà rois et reines de nos vies et qu’un Dieu créatif, puissant, joueur, nous attend et nous appelle pour déployer cette royauté dans nos vies.

Amen

Chant de l'assemblée : n° 389

Prière les uns, les unes pour les autres et Notre Père

Bénédiction

Chant : I offer you peace, Karl Jenkins

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