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12:30| | Prédications | Emmanuel Fuchs

Office du midi du 11
février 2021

Matthieu 19, 1-9

Ce petit texte n’a l’air de rien, une de controverses de plus avec les Pharisiens. De fait il est absolument essentiel et non pas tant peut-être quant au sujet de la discussion que sur la manière avec laquelle Jésus l’aborde.

C’est toute la question de l’interprétation de la Bible qui est en jeu ici. La Bible est-elle un texte figé, inscrit dans le marbre ou peut-elle être lue comme une Parole vivante ?

L’enjeu est phénoménal et Jésus nous donne une clef de lecture tout à fait déterminante.

La question est la suivante : un homme peut-il répudier sa femme ? Les Pharisiens posent cette question en Jésus en sachant bien ce qu’il est écrit dans la Bible dans le livre du Deutéronome « Lorsqu’un homme prend une femme et l’épouse, puis, trouvant en elle quelque chose qui lui fait honte, cesse de la regarder avec faveur, rédige pour elle un acte de répudiation ». Ce verset nous choque aujourd’hui, tant il montre le pouvoir que l’homme a sur la femme … mais bon c’était il y a plus de trois mille ans …quand on sait que la Suisse n’a donné le droit de vote aux femmes qu’il y a 50 ans ! on se dit qu’on n’a pas de leçons à donner. Mais cette remarque nous oblige toujours à replacer les choses dans leur contexte. Et c’est exactement ce que va faire Jésus.

Dans le fond quelle est l’intention première de cette loi sur la répudiation ? Est-elle d’accabler la femme en la mettant au merci du bon vouloir de son mari ? ou plutôt de la protéger ? En fait, la question de savoir si un homme peut ou non répudier sa femme ne se pose pas à l’époque, c’est de l’ordre de l’évidence (on peut le déplorer et se réjouir que les choses aient changé, mais c’était ainsi). La question posée par cette loi n’est pas celle d’autoriser ou non la répudiation, mais de savoir ce qu’il faut faire pour protéger la femme dans ces circonstances. En effet ce billet de répudiation avait pour fonction de disculper la femme de toute faute et de lui permettre ainsi soit de se remarier soit de rentrer dans sa famille sans honte. Cette loi vise donc à protéger la femme.

Deux mille ans plus tard, les Pharisiens faisant une lecture littéraliste du texte utilisent cette loi comme un argument pour justifier la pratique de la répudiation. C’est écrit dans la Bible : on peut le faire. Cette loi qui au départ devait servir protéger les femmes devient un outil de leur asservissement. C’est bien le risque d’une lecture littéraliste de la Bible : finir par lui faire dire le contraire de son intention première.

Et c’est bien ce que Jésus va tenter d’expliquer aux Pharisiens. Jésus repart de l’intention première, le projet créateur de Dieu.  La femme n’est pas l’objet de l’homme dont il peut se servir à sa guise « l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et les deux ne feront qu’une seule chair ». Voilà le projet de Dieu, l’union de l’homme et de la femme, dans le respect et l’amour. Et Jésus rappelle que cette loi a été édictée à cause de la dureté du cœur des hommes. Et Jésus va même plus loin en affirmant que si un homme croit pouvoir être en règle avec Dieu en répudiant sa femme, suivant ainsi à la lettre la loi du Deutéronome, de fait il est adultère, car en ne faisant que suivre la lettre de la loi il en a oublié l’essence même, l’esprit.

Ce texte, je l’ai dit et le redis est essentiel. On voit combien Jésus est l’homme de son temps. Sans rien renier à l’intention de la Parole de Dieu, il ne reste pas prisonnier de sa contextualité et sait faire évoluer son interprétation. Plusieurs fois on l’entendra du reste dire : « vous avez appris, et moi je vous dis… » Non pas pour s’opposer à la Parole de Dieu, mais pour la lire en phase avec sa réalité qui n’était déjà plus celle d’Abraham ou de Moïse. Et cela nous donne pour aujourd’hui une clef de lecture tout à fait essentielle pour notre lecture.

Les textes bibliques, inspirés portent en eux la Parole de Dieu. C’est tout un débat de savoir si la Bible est la Parole de Dieu ou contient la Parole de Dieu. La nuance est importante et je vous laisse répondre pour vous. Toujours est-il que ces textes bibliques aussi riches et inspirés sont-ils, aussi porteurs de la Parole de vie puissent-ils être, demeurent témoins de leur époque, de leur culture, de leur contexte, de la personnalité de son auteur. Nous ne pouvons jamais les prendre comme une réponse immédiate et figée. C’est ainsi que ce qu’un texte biblique a pu nous dire un jour, dans un contexte particulier, dans une époque donnée pourra évoluer et la vérité d’un jour ne sera pas forcément la vérité de toujours. Mais attention dire cela ne veut pas dire que tout est relatif au gré des modes et des envies. Non mais cela veut dire que la Bible ne peut se lire sans un sérieux travail d’interprétation, faute de quoi, nous risquons, comme les Pharisiens, de lui faire dire exactement le contraire de ce qu’elle essaie de nous dire. C’est un des grands enjeux d’aujourd’hui face aux mouvements fondamentalistes qui prônent une lecture littéraliste de la Bible. Je le crois profondément : ce n’est qu’en osant l’interprétation que nous pourrons demeurer fidèles à la Parole de Dieu.  Amen

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