Quel décalage !
Quel décalage entre ces béatitudes et la conception contemporaine du bonheur.
Les larmes au bonheur
La soif et la faim au bonheur
La persécution au bonheur
Faut-il subir des persécutions en raison de notre foi pour le vivre ?
Faut-il avec regret le laisser de côté pour nos vies ?
Faut-il le transformer en une utopie inatteignable ?
Faut-il attendre d'entrer dans le royaume après notre mort, pour goûter ces béatitudes ?
En effet, de Bose à Grandchamp en passant par le tiers-ordre des veilleurs, les béatitudes sont récitées ou chantées à tous les offices du milieu du jour ...
Pour ces femmes et ces hommes qui ont fait vœux de pauvreté dans un certain retrait du monde séculier, les béatitudes résonnent en harmonie avec le mode monacal de vie choisie.
Enfin en marche, pas tout à fait ! Jésus s'assoit pour commencer son enseignement. Il prend la posture du sage assis en hauteur pour enseigner.
Avant de se mettre en marche et en chemin, il est bon et précieux de s'asseoir pour regarder la carte, l'itinéraire choisi.
Sa parole n'est pas donc pas réservée à une élite spirituelle mais s'adresse au plus grand nombre, aux foules venues l'écouter.
Voici une première indication, Jésus s'adresse au plus grand nombre.
Dans littérature grec, ce style connaît un double emploi, il est soit réservé aux dieux qui possèdent l'immortalité et aussi aux bonheurs humains très concrets, comme le bonheur de parents d'avoir de nombreux et beaux enfants !
– Jésus parle aux foules, son discours n'est pas à destination unique d'une élite religieuse et spirituelle.
– Jésus décrit un bonheur en création ... il parle d'un royaume qui s'installe déjà dans le quotidien de ses interlocuteurs et interlocutrices.
Ce texte nous concerne donc.
Heureux celui qui met sa confiance dans le Seigneur, sans un regard pour ceux qui font pression sur lui et s'empêtrent dans le mensonge !
À l'écoute, trois indications se sont dévoilées pour notre plan de route :
Les béatitudes enseignent un bonheur concret dans un royaume en accomplissement.
L'origine du bonheur tient dans la confiance mise en Dieu.
La pauvreté matérielle et spirituelle apprend à ne compter que sur Dieu. Le dénuement crée le vide, un vide qui peut être rempli de l'Esprit de Dieu.
Nous pouvons retourner au psaume 40 pour retrouver cette idée au verset 18 : Moi, je suis pauvre et malheureux, mais le Seigneur me témoigne son estime.
Cependant, Méfiance ! il y a ce que dit cette béatitude et ce qu'elle ne dit pas.
Elle promet le royaume aux pauvres de cœur mais elle ne dit rien des autres ...
La pauvreté de cœur permet la joie d'un accès aux royaumes, car elle permet l'abandon à Dieu seul soutien.
La richesse n'est pas rédhibitoire, la béatitude n'en dit rien.
Le dénuement rend doux car toute prétention à être le premier se tarit ... puis le royaume est là.
Les doux et les douces de la terre n'ont pas pour ambition de faire triompher leurs droits, leurs prérogatives. Ils ne se jugent pas au-dessus du lot et ne font pas étalage de leurs titres. À quoi bon, puisque dans la suivance du Christ, ils et elles ont déjà la terre en partage.
6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés.
Celles et ceux qui pleurent.
Celles et ceux qui ont faim et soif sont encore les vivantes et les vivants de ce monde.
Ils n'ont pas subi le dessèchement.
Ils ont la capacité de pleurer sur ce qui les touchent. Ils ne sont en rien des mélancoliques et romantiques. Ils sont justes humains et capables de s'émouvoir devant la misère.
Ils conservent la faim et la soif ... comme Jésus sur la croix qui prononce « J'ai soif » même dans la plus profonde détresse, j'ai soif de vie !
Être Miséricordieux renvoie plutôt à un engagement qu'à un état ... c'est prendre en charge une part des maux qui nous entourent. Aider un proche en difficulté par des actions simples, faire des courses, emmener à un rendez-vous médical.
Plus notre richesse est grande et plus nous avons cette responsabilité de nous engager au service des affligés de ce monde dans la pauvreté du cœur.
Quelle bénédiction ... voir Dieu.
Voici la béatitude du cœur, de l'intime d'une relation personnelle entre Dieu et la croyante ou le croyant.
Il ne s'agit pas d'un cœur sans péché, mais un cœur tout acquis à Dieu.
Faire œuvre de paix dans un monde va-t-en guerre.
Cet appel résonne creux ces temps-ci, notamment après un an de conflit en Ukraine où les appels à la paix même provenant de l'Onu ont peine à exister face aux anathèmes belliqueux et à l'escalade des armes.
Appelés toutes et tous dans nos vies à porter, à créer la paix plutôt que la polémique ou le conflit, les fils et les filles de Dieu obtiennent cette dignité suprême.
11 Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi.
Dans notre société, témoigner de sa foi ne vaut plus persécution.
Pourtant le désintéressement général de nos contemporains pour le christianisme, la faible audience de nos cultes, la baisse de la pratique forment une forme de persécution par le dédain.
Jésus invite à la résistance et à la persévérance dans la fidélité à la parole.
Voilà la clé de voûte ce texte.
Elles nous parviennent comme paroles d'accueil, de reconnaissance et de bénédiction.
Ce n'est pas nous qui cherchons le bonheur mais c'est Jésus lui-même qui nous les souhaite.
Paroles qui ne rejettent pas qui ne nient pas la difficulté mais qui accueillent.
Sans jugement !
Oui nous sommes heureuses et heureux de vivre en réceptacle de cette parole.