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10:00| | Prédications | Bruno Gérard

Quel décalage !

Quel décalage entre ces béatitudes et la conception contemporaine du bonheur.

 Ce texte, sommet du sermon sur la montagne frappe toujours par cet immense décalage créé entre ce qu'il prône et l'aspiration au bonheur de notre société.

 À l'écoute, une question émerge : comment entrer dans ce texte en tant que citadin d'une société de consommation de 21ième siècle ?

 Comment entrer dans ce texte qui associe la pauvreté au bonheur

Les larmes au bonheur

La soif et la faim au bonheur

La persécution au bonheur

 Comment entrer dans ce texte qui emploie des mots devenus désuets comme miséricordieux ?

 Faut-il être pauvre affligé pour recevoir ce texte ?

Faut-il subir des persécutions en raison de notre foi pour le vivre ?

Faut-il avec regret le laisser de côté pour nos vies ?

Faut-il le transformer en une utopie inatteignable ?

Faut-il attendre d'entrer dans le royaume après notre mort, pour goûter ces béatitudes ?

 Faut-il le réserver à celles et ceux qui vivent leur foi dans les monastères ?

En effet, de Bose à Grandchamp en passant par le tiers-ordre des veilleurs, les béatitudes sont récitées ou chantées à tous les offices du milieu du jour ...

Pour ces femmes et ces hommes qui ont fait vœux de pauvreté dans un certain retrait du monde séculier, les béatitudes résonnent en harmonie avec le mode monacal de vie choisie.

 Mais la question revient ... comment résonne-t-il dans une vie séculière ?

 Alors en marche pour une plongée dans ce texte ...

Enfin en marche, pas tout à fait ! Jésus s'assoit pour commencer son enseignement. Il prend la posture du sage assis en hauteur pour enseigner.

Avant de se mettre en marche et en chemin, il est bon et précieux de s'asseoir pour regarder la carte, l'itinéraire choisi.

 Pour enseigner aux foules qui l'entourent.

Sa parole n'est pas donc pas réservée à une élite spirituelle mais s'adresse au plus grand nombre, aux foules venues l'écouter.

Voici une première indication, Jésus s'adresse au plus grand nombre.

 Il utilise pour cela, un genre littéraire bien spécifique : les béatitudes, chaque sentence est introduite par l'adjectif bienheureux (macarios en grec).

Dans littérature grec, ce style connaît un double emploi, il est soit réservé aux dieux qui possèdent l'immortalité et aussi aux bonheurs humains très concrets, comme le bonheur de parents d'avoir de nombreux et beaux enfants !

 Jésus reprend cette dualité à son compte ... le bonheur dont il parle est de nature divine car il a trait au royaume mais il est aussi très concret, très humain. Petit à petit des pistes de réponses se précisent :

        Jésus parle aux foules, son discours n'est pas à destination unique d'une élite religieuse et spirituelle.

        Jésus décrit un bonheur en création ... il parle d'un royaume qui s'installe déjà dans le quotidien de ses interlocuteurs et interlocutrices.

Ce texte nous concerne donc.

 Le judaïsme a fait aussi sienne la sagesse des béatitudes. Le style est repris dans les psaumes ... comme le psaume 40 au verset 5 :

Heureux celui qui met sa confiance dans le Seigneur, sans un regard pour ceux qui font pression sur lui et s'empêtrent dans le mensonge !

 Le bonheur du psalmiste tient donc dans la fidélité mise dans le Seigneur en faisant fi des pressions et des moqueries de ceux qui se rient de sa foi et s'abîment dans la fausseté. Le bonheur tient ici dans l'attachement à Dieu et à sa volonté.

À l'écoute, trois indications se sont dévoilées pour notre plan de route :

 Les béatitudes s'adressent à toutes et tous

Les béatitudes enseignent un bonheur concret dans un royaume en accomplissement.

L'origine du bonheur tient dans la confiance mise en Dieu.

 3 « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux.

La pauvreté matérielle et spirituelle apprend à ne compter que sur Dieu. Le dénuement crée le vide, un vide qui peut être rempli de l'Esprit de Dieu.

Nous pouvons retourner au psaume 40 pour retrouver  cette idée au verset 18 : Moi, je suis pauvre et malheureux, mais le Seigneur me témoigne son estime.

Cependant, Méfiance ! il y a ce que dit cette béatitude et ce qu'elle ne dit pas.

Elle promet le royaume aux pauvres de cœur mais elle ne dit rien des autres ...

La pauvreté de cœur permet la joie d'un accès aux royaumes, car elle permet l'abandon à Dieu seul soutien.

La richesse n'est pas rédhibitoire, la béatitude n'en dit rien.

 Cette pauvreté de cœur est un appel à se délester de tout ce qui encombre inutilement pour concentrer son cœur au royaume.

Le dénuement rend doux car toute prétention à être le premier se tarit ... puis le royaume est là.

 4 Heureux les doux : ils auront la terre en partage.

Les doux et les douces de la terre n'ont pas pour ambition de faire triompher leurs droits, leurs prérogatives. Ils ne se jugent pas au-dessus du lot et ne font pas étalage de leurs titres. À quoi bon, puisque dans la suivance du Christ, ils et elles ont déjà la terre en partage.

 5 Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés.

6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés.

Celles et ceux qui pleurent.

Celles et ceux qui ont faim et soif sont encore les vivantes et les vivants de ce monde.

Ils n'ont pas subi le dessèchement.

Ils ont la capacité de pleurer sur ce qui les touchent. Ils ne sont en rien des mélancoliques et romantiques. Ils sont justes humains et capables de s'émouvoir devant la misère.

Ils conservent la faim et la soif ... comme Jésus sur la croix qui prononce « J'ai soif » même dans la plus profonde détresse, j'ai soif de vie !

 7 Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde.

Être Miséricordieux renvoie plutôt à un engagement qu'à un état ... c'est prendre en charge une part des maux qui nous entourent. Aider un proche en difficulté par des actions simples, faire des courses, emmener à un rendez-vous médical.

Plus notre richesse est grande et plus nous avons cette responsabilité de nous engager au service des affligés de ce monde dans la pauvreté du cœur.

 8 Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu.

Quelle bénédiction ... voir Dieu.

Voici la béatitude du cœur, de l'intime d'une relation personnelle entre Dieu et la croyante ou le croyant.

Il ne s'agit pas d'un cœur sans péché, mais un cœur tout acquis à Dieu.

 9 Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu.

Faire œuvre de paix dans un monde va-t-en guerre.

Cet appel résonne creux ces temps-ci, notamment après un an de conflit en Ukraine où les appels à la paix même provenant de l'Onu ont peine à exister face aux anathèmes belliqueux et à l'escalade des armes.

Appelés toutes et tous dans nos vies à porter, à créer la paix plutôt que la polémique ou le conflit, les fils et les filles de Dieu obtiennent cette dignité suprême.

 10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux.

11 Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. 

Dans notre société, témoigner de sa foi ne vaut plus persécution.

Pourtant le désintéressement général de nos contemporains pour le christianisme, la faible audience de nos cultes, la baisse de la pratique forment une forme de persécution par le dédain.

Jésus invite à la résistance et à la persévérance dans la fidélité à la parole.

 Toutes ces paroles bénies sortent de la bouche de Jésus.

Voilà la clé de voûte ce texte.

Elles nous parviennent comme paroles d'accueil, de reconnaissance et de bénédiction.

Ce n'est pas nous qui cherchons le bonheur mais c'est Jésus lui-même qui nous les souhaite.

 Qu'elles sont exquises, bonnes et salvatrices, ces paroles venues d'ailleurs qui désirent notre bonheur. Dans la tristesse, le désarroi, de tels vœux fortifient et édifient.

Paroles qui ne rejettent pas qui ne nient pas la difficulté mais qui accueillent.

Sans jugement !

Oui nous sommes heureuses et heureux de vivre en réceptacle de cette parole.

 Amen.

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