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10:00| | Prédications | Sandrine Landeau

Louange

C’est avec les mots de Jacques Lebreton que nous faisons encore monter, autrement, notre louange :

Eternel.le, Dieu de toutes les délivrances, nous avons vu combien tu es bon. Entièrement, totalement et définitivement bon. Nous avons vu que tu ne peux pas être autrement que bon. Et c’est pour cela que nous sommes ici, devant toi ce matin.

Nous t’avons vu, nous t’avons souri et tu nous as souri. Nous t’avons donné toute notre joie et tu nous as donné toute ta paix. Notre joie n’a plus connu de fin ; tu t’es réjoui de notre joie, alleluia ! Nos poumons ont été trop faibles pour crier notre joie, alors nous avons dansé et donné notre joie. Nous t’avons tout donné et tu nous as tout donné.

Nous t’avons donné toute notre tristesse et tu nous as donné toute ta joie. Nous t’avons donné tout notre tourment et tu nous as donné toute ta paix. Que nos êtres tout entiers te chantent leur joie, pour que nous allions à ta recherche, car sans toi nous sommes privés de tout bien.

Amen

 

Prière d’humilité

Eternel.le, en Jésus tu nous dis à chacun.e : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos, du repos pour votre être. » (Mt 11,28) C’est pourquoi nous pouvons déposer devant toi ce qui nous pèse, ce qui nous déchire de l’intérieur :

     ces êtres chers qui nous ont quittés et dont l’absence nous est encore une terrible souffrance,

     ces hontes et ces peurs qui prennent le contrôlent de nos gestes et de nos paroles et nous empêchent d’être libres,

     ces douleurs physiques ou mentales qui prennent toute la place dans nos pensées, dans nos sensations, nous enfermant en nous-mêmes, loin des autres et loin de toi

     ces culpabilités et ces pardons non demandés qui nous rongent de l’intérieur et finissent par faire de nous des prisonniers du passé alors que tu veux pour nous un à-venir ouvert

     ces colères et ces rancunes toujours vivaces dont nous avons parfois presque oublié l’origine et qui accaparent tant de notre énergie que nos perceptions du monde en sont altérées, ne voyant partout qu’affront et malveillance

Eternel.le, toi qui nous vois tel.les que nous sommes, tu mets au jour ce que nous ne voulons pas voir, tant nous en avons peur, tant nous craignons que cela nous coûte ton amour. Toi dont l’amour pourtant dure à toujours, donne-nous de sentir que tu es là, tourné vers nous, penché avec tendresse sur nos déchirures, afin que nous puissions retrouver le chemin de la vie et de la joie que tu nous promets. Que ton action soit visible pour nous, que nos proches la découvrent ! Que ta Parole et ton souffle remettent de la vie et de la lumière là où la mort et les ténèbres se sont installées en nous. Eternel.le nôtre Dieu, accorde-nous ta douceur et ton amitié et nos vies en seront affermies !

(Inspiré par le ps 90 proposé par la liturgie)

Prédication

A première vue, on se dit que l’examen d’entrée pour être disciple de Jésus est particulièrement difficile, exigeant : haïr ses proches, sa vie, porter sa croix et renoncer à tout ce qu’on a. Si ces trois conditions ne sont pas remplies, alors « celui-là – ou celle-là – ne peut pas être mon disciple ». Vu les conditions d’entrée, il y a intérêt à ce qu’être disciple de Jésus vaille la peine…

Un disciple, mathetes en grec, c’est un élève, un apprenti, quelqu’un qui apprend, qui entend et qui en tire profit, qui apprend par usage et pratique. Dans le monde juif de l’époque, un disciple c’est donc quelqu’un qui s’engage auprès d’un maître et qui suit ses enseignements. Mais pas seulement au sens où aujourd’hui vous allez à un cours de philosophie à l’Université le mardi matin de 10h15 à 12h15. Non, l’enseignement était conçu comme englobant tout l’être et donc les disciples restaient le plus possible avec leur maître, afin non seulement de profiter de ses enseignements « théoriques » mais aussi de le voir agir au quotidien et de s’imprégner de la manière dont le maître incarnait ce qu’il enseignait. De nombreux rabbins avaient ainsi des disciples qu’ils enseignaient.

Jésus lui aussi a donc des disciples. Dans l’évangile de Luc, le mot disciples est employé 36 fois. Si l’on regarde ces occurrences, on s’aperçoit d’abord que les disciples ont été appelé.es par Jésus. Dans aucun récit on ne voit de disciple choisir Jésus pour maître. Ensuite, on voit que les disciples sont présents effectivement au quotidien auprès de Jésus sur les chemins de Galilée, ils mangent avec lui, ils suivent ses enseignements, parfois avec la foule, parfois en privé, ils posent des questions à Jésus sur ses paroles ou sur ses actes, ils répondent aussi aux questions que lui leur pose, ils l’informent sur l’état d’esprit des gens, parfois ils enseignent eux aussi et chassent les démons. La dernière occurrence du mot disciple se trouve dans le récit de l’arrestation de Jésus, comme si dans ce qui suit, la Passion, la mort et la résurrection, Jésus ne pouvait pas avoir de disciple. Dans l’Evangile de Luc, un disciple c’est quelqu’un qui a été appelé par Jésus, qui chemine avec lui au quotidien pour un temps plus ou moins long, et qui essaie de comprendre ce qui l’anime et comment l’incarner dans les gestes et les paroles les plus quotidiens. Disciple donc n’est pas, ou pas seulement, un état, c’est un devenir, c’est un cheminement.

Faut-il comprendre de notre texte que les conditions pour entamer ce chemin de disciple sont de haïr sa famille, sa vie, de porter sa croix et de renoncer à ses biens ?

En examinant la formulation répétée trois fois dans notre texte, « celui-là ne peut pas être mon disciple » d’un peu plus près, deux choses m’ont intriguées. D’abord que Jésus parle d’un état qui semble permanent et stable, et plus d’un cheminement comme lorsqu’il appelle d’un « toi, viens, suis-moi ». C’est celui du disciple accompli, dont Jésus explique ailleurs dans l’Evangile que « le disciple n’est pas plus que le maître, mais [que] le disciple accompli sera comme son maître ».

Par ailleurs, le verbe « pouvoir » utilisé ici est « dunamai » en grec : ce n’est pas le verbe de l’interdiction / autorisation, mais celui de la puissance / impuissance ou de la capacité / incapacité.

Jésus ici n’interdit pas à telle ou telle catégorie de se lancer sur le chemin, il enseigne que pour arriver au bout, il y a des passages obligés, ces renoncements. Quand Jésus appelle ses disciples, ils sont des gens comme vous et moi, pris dans leur quotidien, leurs blessures, écrasés par les épreuves parfois, empêtrés dans des relations malsaines ou mortifères. Ils sont au début du chemin, pas à son arrivée ! Ils ont à être libérés d’un certain nombre de liens mortifères, guéris de blessures purulentes, nourris et renforcés. Et cela se fera avec l’accompagnement de leur maître, de celui qui les a appelés non parce qu’ils étaient déjà parfaits, mais afin qu’ils le deviennent. C’est une première bonne nouvelle !

Et voici une deuxième bonne nouvelle dans ce passage si dur : le chemin du disciple, c’est de devenir comme son maître. Celui en effet qui prononce ces paroles est celui qui les accomplit le premier, nous montrant ainsi comment les vivre.

Commençons par haïr sa famille et jusqu’à sa propre vie. Jésus hait sa famille et sa vie, non pas au sens d’un sentiment violent qui le pousserait à vouloir blesser ou agresser tel ou tel membre de sa famille ou à sa faire du mal, mais au sens d’un refus absolu de toute emprise sur son être au nom d’un quelconque lien du sang qui l’enfermerait dans telle place, tel rôle. Quand sa mère et ses frères tentent de l’approcher, comme s’ils avaient un droit supérieur sur lui, Jésus répond que sa famille est composée de celles et ceux qui écoutent la parole et la mettent en pratique. Quand quelqu’un lui dit que Marie est bienheureuse de l’avoir porté dans son ventre, il répond « heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent ». Jésus donc reconfigure les liens familiaux : pas de loyauté déplacée à un sang, à une tradition familiale, mais une seule famille, celle des enfants de Dieu. Cela évidemment n’empêche pas les liens d’affection profonde au sein de la famille, juste les liens d’emprise. C’est ce type de relation qui sera expérimenté par les disciples accomplis que nous sommes appelé.es à devenir. En attendant, nos relations sont parfois bien plus chaotiques que ça, et nous sommes simplement appelé.es à y travailler à y mettre de l’espace pour que le Souffle de Dieu puisse les inspirer et les vivifier. Et quoi qu’il arrive, Dieu y travaille avec nous, comme un bon maître travaille avec son disciple.

Examinons maintenant la troisième condition, je garde la croix pour la suite. Renoncer à ce qu’on a. Comment Jésus met-il cela en pratique ? Il renonce effectivement à certaines choses et à certains chemins : l’héritage familial lié au métier de son père, sa place toute prête dans une famille, dans un clan. Il part sur les chemins avec peu de biens matériels et il ne cesse de repousser les tentatives de faire de lui quelqu’un d’important au sens classique du terme : un leader avec du pouvoir, un gourou. Sans cesse il cherche la liberté de son chemin, il suit son appel, il renonce à la puissance pour l’amour. Il renonce non pas contre, mais pour. Il ne renonce jamais à telle chose parce qu’elle est intrinsèquement mauvaise et condamnable, mais dans la mesure où elle est une entrave au déploiement de sa liberté de fils de Dieu et de cet amour qui l’habite. C’est à cela aussi que nous sommes promis, et en attendant nous sommes appelés à nous détacher des liens mortifères qui nous attachent aux choses, aux fonctions, aux titres, à la gloire, afin que rien de cela de devienne pour nous une idole. Et pour cela Dieu nous offre sans cesse son soutien et son amour.

Je termine par ce qui est, pour moi en tout cas, le plus gros morceau : porter sa croix. La croix, c’était un instrument de torture et de mise à mort. On mourrait sur la croix, lentement et dans la souffrance. Depuis ce temps, la croix symbolise ce qui nous torture, ce qui nous fait mal, ce qui nous écrase. Si l’on regarde comment Jésus a mis en pratique son précepte, on constate d’abord que Jésus n’a pas cherché sa croix, qu’il ne l’a pas façonnée lui-même : on la lui a imposée. Il y a consenti, parce qu’elle était le chemin pour manifester l’amour de Dieu pour les humains jusque dans leurs chemins les plus mortifères. Dans nos vies aussi il y a des souffrances, des blessures, qui nous tombent dessus sans qu’on les ait cherchées, ou qui sont les conséquences de blessures antérieures, comme si les croix s’empilaient les unes sur les autres. Une maladie chronique qui provoque des douleurs aiguës ou lancinantes dont on ne voit pas la fin, une relation qui ne cesse de nous blesser, la maladie d’un enfant, l’accident d’un amour, une guerre qui vous oblige à tout quitter, un viol… tant d’autres choses encore. Pas besoin de les chercher, mais y consentir. Consentir, ce n’est pas trouver cela juste, ou normal, ce n’est pas non plus minimiser, ou nier. C’est reconnaître que oui, cette croix est là, qu’elle en est une de croix, et qu’elle pèse, très lourd, trop lourd parfois. Pas la peine de jouer au héros ou l’héroïne ! Consentir, cela passe souvent par la révolte d’abord, la rébellion contre ce qui arrive, comme Jésus a d’abord demandé que ce chemin soit écarté… C’est que la révolte au moins prend la mesure de ce qui se présente, contrairement au déni. Jésus promet ici qu’un.e disciple accomplie pourra porter sa croix, c’est-à-dire qu’il aura en lui, qu’elle aura en elle, les ressources pour le faire. Et en attendant, Jésus lui-même n’a pas porté seul sa croix : Simon de Cyrène l’a aidé. Ici et maintenant il y a des croix qui sont trop lourdes pour nous, trop lourdes pour nos proches. Je ne vous fais pas de liste, vos coeurs savent ces croix qui nous écrasent, qui font tomber nos proches à genoux. A l’exemple de Simon de Cyrène, nous pouvons porter un petit peu la croix d’un ami, d’une sœur, comme d’autres l’aideront aussi à leur façon, comme d’autres encore nous ont aidé et nous aideront à porter la nôtre. Et, que nous puissions sentir sa présence ou non, nous avons l’assurance que le Dieu que Jésus Christ est venu manifester porte avec chacun de nous et que nous sommes dans sa main.

Ni vous ni moi ne sommes des disciples accomplis : nous sommes des apprenties disciples, avec encore un long chemin à faire pour devenir des disciples accomplis. Et il arrivera encore – parce que cela s’est déjà produit – que, écrasé.es par nos croix nous n’ayons pas la force d’avancer sur ce chemin, que nous ne soyons même plus en état d’être des bébés disciples. Cela ne veut pas dire que nous soyons abandonné.es de Dieu pour autant ! Nous pouvons en avoir le sentiment. Jésus lui-même a connu cette sensation d’être totalement seul, abandonné des humains et de Dieu. Inutile donc de culpabiliser si nous traversons une crise de foi, si dans l’épreuve ou dans le bonheur nous avons perdu le chemin de la confiance en Dieu. Car quand nous ne sommes pas des disciples, nous sommes toujours, et quoi qu’il arrive, des enfants bien-aimé.es du Père, des brebis perdues qu’il va chercher coûte que coûte, quel que soit le chemin sur lequel elles se sont égarées.

Pour le dire avec les mots de Paul : « rien, ni la mort ni la vie, ni les choses présentes ni les choses à venir, aucune croix, aucun manquement à notre chemin de disciple, non rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Christ. »

Amen

C’est un poème de Colette Nys-Mazure que j’ai choisi de vous offrir en guise d’envoi :

Je sais la mort, le vide, l’angoisse suante.

Je pourrais hurler au mal et à la nuit.

Crier le temps à l’oeuvre en moi :

la lente corruption des sources

la chair qui se défait

et le cœur qui s’effrite

les pans d’ombre dévorant le soleil

et la vie qui s’échappe et fuie par toutes les issues

les espoirs morts-nés

les soifs mal étanchées

les folies douces et noires

les suicides rêvés

et l’usure de l’être

la solitude, le gel de l’âme

les illusions fanées

les amours avortées.

Je dis la beauté du monde toujours offerte,

là, sous mes doigts, sous mes yeux :

la joie pudique et la fête sans lendemain

l’espérance apprise,

la sève obstinée

la chanson patiente

les instants d’éternité et l’éternité entrevue

l’aventure inouïe d’un réveil

le jaillissement de la création

et l’invention de l’amour

le bonheur surpris et la mort apprivoisée.

Je ne maudirai pas les ténèbres.

Je tiendrai haut la lampe.

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