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10:00| | Prédications | Emmanuel Fuchs

Jean 4, 4-14

Audio culte du 13 octobre 2019

Aujourd’hui, Charlotte n’a rien demandé et pourtant tout lui est donné. Tout est semé en elle, tout est en là en puissance, cette force, cette vie, cet amour de Dieu. Elle aura toute sa vie pour pouvoir le reconnaître ou mieux pourrions-nous dire : le découvrir au sens de faire une découverte, connaître quelque chose de nouveau, mais aussi découvrir dans le sens de mettre à la lumière ce qui était caché.

Oui tout lui est donné, tout est là en puissance de vie en elle et c’est ce que ce baptême veut signifier. Elle aura toute sa vie pour creuser jusqu’à la source, mais n’est-ce pas exactement la démarche à laquelle nous aussi nous sommes toujours invités, quel que soit notre âge ou notre parcours de vie ou de foi ? Creuser en nous pour retrouver la source et étancher notre soif dans une vie parfois asséchée ? « Mon Dieu, dès l’aube je te désire, mon âme a soif de toi » chante le psaume 63.

C’est vrai que nous avons souvent soif dans notre vie et pas seulement comme le croit d’abord la Samaritaine de l’eau qui coule du puits, mais soif d’une eau qui nous abreuve, vraiment, d’une Parole qui féconde notre vie.

Je pense que dans la vie il faut beaucoup de sagesse (et peut-être d’âge aussi) pour arriver à la satisfaction de voir sa vie accomplie ; souvent nous nous sentons plutôt écartelés, éclatés dans notre vie. Personnellement, je serais ingrat de me plaindre, ma vie me comble et j’en suis extrêmement reconnaissant ; mais malgré cette reconnaissance que je dois à la vie, je dois aussi remarquer que ma vie est pleine d’incohérences, qu’elle n’est pas vraiment unifiée, accomplie, qu’elle est riche de potentialités inexploitées pour moi-même mais aussi pour les autres.

En dialoguant avec cette femme samaritaine, Jésus l’incite à reconnaître le caractère fragmenté et inaccompli de sa vie et par conséquent sa soif de vie jusqu’à aujourd’hui insatisfaite ; ses nombreux maris en sont la marque presque caricaturale.

Magnifique dialogue qui s’instaure avec Jésus au bord du puits et c’est comme si ce long échange creusait un autre puits, plus profond que celui de Jacob qui atteint en son cœur une source cachée et inespérée.

Ce n’est pas étonnant que cette rencontre se passe à la margelle du puits ; le puits joue un rôle essentiel dans de nombreuses histoires bibliques ; il n’y a qu’à penser à la

magnifique rencontre entre Isaac et Rébecca (Gn 24). Le puits est source de vie (d’autant plus dans un pays désertique), lieu de rassemblement, de conflits, de réconciliation, de rencontres, symbole d’un Dieu qui prend soin de son peuple, le puits possède une densité de signification pour comprendre les rapports entre Dieu et les humains. Jésus profite de cet arrière-fond pour transformer une rencontre toute simple en révélation.

Jésus creuse le premier en demandant à la femme de lui donner à boire. Et ce n’est pas pour qu’elle lui donne à boire mais plutôt pour qu’elle relève la tête ; et la voilà qui à sa grande surprise dialogue avec lui, creuse avec lui. Première barrière, premier obstacle dégagé, première incision dans l’ordre immuable des choses (d’ordinaire une femme qui plus est samaritaine ne parle pas à un homme, juif).

Et cette femme qui vient chercher de l’eau, Jésus l’invite à aller plus loin, à descendre jusqu’à la source. En commençant par renoncer aux dogmes et en levant ces barrières, Jésus continue de creuser avec elle jusqu’à découvrir la source, ce don de Dieu « Si tu connaissais le don de Dieu, lui dit-il ». Le don de Dieu interroge les profondeurs de la vie ; il se moque des usages ou des querelles entre Juifs et Samaritains, mais le chemin n’est pas fini, lorsque Jésus lui demande d’appeler son mari, elle doit descendre encore plus profond au cœur de son existence. Et la voilà retrouvant en elle la source qui avait tari : celle de la vérité sur elle-même. Libérée, abreuvée par cette Parole du Christ, c’est comme si elle renaissait. Elle venait chercher de l’eau, là voilà repartant au village oubliant sa cruche au bord du puits ; un autre désir a jailli : vivre dans la vérité sur elle-même et faire connaître Celui qui lui a permis de retrouver en elle cette source de vie.

Cette Samaritaine a fait la découverte, que l’on espère que Charlotte fera un jour : seule l’acceptation du don du Christ, cette source qu’il a placée au fond de nous, permet à l’être humain de recevoir la vie en plénitude. Et c’est bien aussi la question qui nous est posée à chacun de nous ce matin : celle aussi de notre soif et de notre désir de creuser jusqu’à la source.

Avons-nous encore soif et de quoi ? Jésus se comporte avec nous comme il le fit avec la Samaritaine : il veut susciter en nous le désir de le connaître ; il veut nous faire découvrir en attisant notre soif, notre désir, le trésor que nous possédons déjà au fond de nous.

Souvent nos vies sont comme asséchées par la fatigue, le poids des soucis ; notre vie ne nous apparaît pas comme un verger florissant mais plus comme une terre aride pleine de

cailloux. Cela peut faire penser à cet homme qui peine sur sa terre et qui fait des kilomètres éprouvant pour aller chercher ailleurs l'eau dont il a besoin car il n'a pas encore découvert que sous son champ aride coule une source qui pourrait transformer sa terre sèche en terre fertile.

L'Evangile nous invite à croire et à découvrir qu'il y a en nous plus que nous et ce plus c'est la bonté divine qui coule en nous. Pas besoin d'aller chercher plus loin, il nous faut creuser. (cf récit de la pêche miraculeuse : aller en eau profonde). Il ne s'agit de nos propres capacités ou de nos qualités personnelles qu'il faudrait ainsi mettre en avant, mais de ce trésor que le Seigneur a mis en nous. Parler du trésor que le Seigneur place en chacun de nous comme d'une source est une belle image pour moi. Car très vite, nous risquons de voir dans nos compétences ou nos qualités des biens qui nous appartiennent ou dont le mérite nous reviendrait ce qui nous pousse alors à nous croire suffisant à ne pouvoir ne dépendre que de nous-mêmes.... Or l'image de la source dit le contraire. Une source c'est un trésor effectivement mais elle vient de loin, elle nous traverse et continue son chemin, impossible d'arrêter l'eau qui coule ou d'en faire des provisions...

Avec la Samaritaine, Jésus nous emmène au plus profond du puits de notre cœur, là où sourd le monde de la grâce en nous, là où sourd "l'Amour divin qui a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné." selon la formule de Saint Paul (Rm 5.5)

Ce qui est beau avec ces textes « au bord du puits », c'est qu'on découvre que chacun est acheminé vers la source, qui est en lui, juste là ... par la médiation d'une rencontre d'autrui. On l'a vu : il y a toujours des rencontres au bord des puits et ce qui est vrai dans les histoires bibliques, l'est aussi dans notre vie. L'invitation à creuser en nous vient souvent après une rencontre décisive. La rencontre est souvent le meilleur moyen d'attiser le désir de croire. Si la rencontre est souvent déterminante, personne toutefois ne peut chercher à notre place la source d'Eau vive. Tout homme est son propre sourcier. Il devra descendre en lui, au fond du puits, là où la soif est vive et le manque douloureux et souvent c'est difficile parce que le puits est plus profond qu'on n'imagine et le chemin pour y accéder plus difficile qu'on ne pensait ; la source, quant à elle, est souvent obstruée et ne laisse plus jaillir l'eau, obstruée qu'elle peut être par tant de choses inutiles et encombrantes, de vaines préoccupations, des convictions ou des calculs qui ensablent son jaillissement. Creuser c'est alors débarrasser, trier, faire remonter à la surface des

choses à jeter avant d'arriver à retrouver la source. Mais cela est difficile et coûteux et nous préférons alors bien souvent étancher notre soif à des robinets qui nous semblent plus faciles, plus accessibles : faire comme tout le monde, ne pas s'inquiéter, rechercher le confort ou le succès ; tout cela semble étancher notre soif de vivre et de bien-être, mais ces boissons-là, comme pour les sodas, plus on en boit plus on a soif ; ils ne donnent que l'illusion du désaltérèrent.

Il nous est parfois donné, dans des moments de grâce, de faire l’expérience de la fraîcheur d'une eau désaltérante dans la paix que procure la foi, dans l'expérience de la plénitude qui dilate le cœur, dans la douceur et la sérénité de l'amitié partagée. Alors oui nous devons constamment nous reposer la question de savoir ce qui vraiment est à même d'étancher notre soif, soif de plénitude, de bien être, soif d'être reconnu et aimé en dépit de nos faiblesses et nos manquements, soif d'espérance et de paix, soif d'être en accord avec nous-même. On nous propose pour cela d'innombrables breuvages qui à l'image du fruit proposé par le serpent à Adam et Eve semblent à première vue bien agréables ; ou à l'image de la pastille proposée au petit prince bien pratique pour se faciliter la vie et ne plus avoir soif. « Moi si j'avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine » se dit le petit prince. Génial petit prince ! Ne pas forcément chercher l'efficacité ou la rapidité, mais prendre le temps de marcher à la fontaine, prendre le temps de creuser son puits, de retourner à la source ! Une seule source est à même de nous désaltérer vraiment, c'est celle que le Seigneur fait sourdre en nous ; elle est là à portée de main. Mais rien ne peut se faire sans ce désir, sans notre propre désir de creuser, d'aller chercher cette source. Comme ce fut le cas pour la samaritaine, tout commence par une rencontre qui éveille le désir et je vous le dis, ce matin Jésus est venu s’asseoir au bord de notre puits ; puisse de cette rencontre naître en nous un désir renouvelé de mieux le connaître pour boire à cette source d'eau vive qu'il nous offre. Faisons le détour de la fontaine pour nous approcher de Jésus et par l'écoute de sa parole étancher notre soif d'une vie en plénitude. Amen

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